La mémoire est un champ d’expériences et d’imaginaires sans bordure. Une terre à creuser, une matière propice à l’onction, l’assimilation, la digestion par tous les pores, par tous les orifices.
Différentes échelles co-existent en chaque chose, en chaque être, animé ou non. Évoquons un instant la sédimentation, la géologie et l’empreinte comme des notions applicables aux êtres vivants, comme des façons d’explorer les liens temporels entre les êtres et les liens qu’eux-mêmes tissent avec leur histoire.
« JeDeYa » c’est donc le carrefour d’une histoire intime avec l’histoire collective, c’est le croisement de ce qui est singulier avec le commun. Chaque récit de vie s’imbrique dans un autre plus grand. Il participe, témoigne d’une échelle à laquelle il n’a accès qu’à postériori, lorsqu’une fois l’histoire vécue nous nous retournons pour nous en souvenir et la raconter.
La mémoire, sujet vertigineux, où s’arrête le personnel pour que commence le collectif? Si nous sommes tous liés par la généalogie et si celle-ci induit la transmission, alors il existe un fil nous reliant toutes et tous, le fil du souvenir, de l’histoire, des anecdotes, des mensonges et des silences. Il y a la mémoire physique, celle du corps, une mémoire cryptée dont l’interprétation laisse la voie à la rêverie, à l’imaginaire. Ce qui sourd des générations passées à travers mes émotions peut revêtir le costume de ma propre réalité tout comme celui du film que j’ai dernièrement visionné… Il n’est pas de science exact qui puisse étancher cette soif de savoir, ni cette envie de croire. Celle ou celui qui arpente ce chemin, verra repoussé plus avant les objectifs de sa quête, comme une carotte au bout d’un bâton, un mirage sur une route bitumeuse.
Peut-être un jour, à force de creuser, de chercher des traces il finira par retomber sur les siennes. Elle lui permettront de formuler une cohérence subjective, de mettre en lien ce qui semblait flotter dans une mémoire nébuleuse, métissée.
Le corps, le geste, l’action, voilà une boussole pour qui veut explorer. Quel est le corps de mes aïeux ? Quelle réalité, quelles actions peuvent façonner ainsi tel ou tel corps?
Et si je performais ces actions? Et si par la répétition du geste j’essayais de me rapprocher du corps de mes aïeux, ouvrant ainsi en moi-même une voie d’accès à leurs souvenirs, souvenirs dont je suis pétri. C’est une piste à remonter, un chemin autrefois fréquenté que le temps a recouvert.
Voilà la danse qui nait, le geste de l’aieu répété, défait de son signifiant, mis en résonnance avec le corps de celui qui le performe, s’insinuant dans la psyché, dans le subconscient pour venir baigner le souvenir, le rehabiller de sens… Un sens brumeux, mais un sens, une direction tout du moins.