J’ai une impression visuelle de plus en plus récurrente, au début je n’y prêtais pas trop attention, je ne captais pas trop, un genre de déphasage de la situation, ou de moi-même, ou de ma perception des choses, et puis c’est revenu, encore… bizarre.
Et puis petit à petit ça s’affine, la sensation, l’impression. Celle d’être un ghost, un voyageur, pas chez lui, non, enfin pas à l’heure de chez lui.
Et puis je me suis passé à côté de lui, de moi et d’elle, avec nos coca-cola, nos gros ventres et notre cellulite, nos gros pectoraux, nos grosses fesses bombées et tablettes de chocolat, nos vêtements publicitaires portés élégamment, nos sacs à dos pratiques, nos chaussures fantastiques et nos voitures magnifiques… N’est-il pas qu’en fait plus on analyse une société, plus on la décortique et plus on la recouvre de la poussière de l’Histoire?? On la transforme en ruine ? La nôtre, celle-là qui vient de commencer un nouveau millénaire et un nouveau siècle en même temps, mais à qui on rabâche que ce n’est qu’un 21eme siècle, avant le 22 et juste après le 20, rien de bien fou la dedans. Oui celle-là, c’en est pas un peu une?
En fait voilà, c’est ça l’impression, celle de se promener dans une civilisation disparue, ou dans un pastiche. science, philosophie, sociologie et spritualité ont déjà déconstruit cette société de consommation capitaliste, réduite en poussière. Zombifiée elle occupe encore la réalité.
Halluciner, croire rêver d’entendre des phrases entendues quand nous avions 10 ans, les mêmes, comme si nous jouions des rôles déjà écrits, déjà vécus, pour ne pas se fatiguer à exister, âmes flemmardes à la seule envie de se prélasser.
Nous prenons nos mêmes vacances, dans les mêmes cités balnéaires, construites sur le même plan de vie, de vacances, année après année, churros après churros et d’all inclusive en all inclusive, pourtant au 1 er aout nous devrions avoir envie de faire autre chose, c’est gros une planète, ça doit rassasier non ?
Des rangées de stand de frites le long des rangées d’hotels, le long des rangées de beach bar le long des rangées de palmiers, le long des rangées de parasols, c’est Saint-Jean de Mont, Miami Beach, Ko pang yan, hammamet partout, limonades et granités, réglisses géants, barbes à papa et pommes d’amour, des peaux rouges, marrons violettes et roses qui cuisent à l’huile avant d’aller parfumer les océans et les mers d’arômes vanille bourbon, ylang-ylang ou karité-coco…
En fait ce ne sont peut-être pas les vacances, mais plutot LA vacance de l’homme, du genre ya personne derrière les ray-ban, on est peut-être des robots je me dis, ou alors c’est toi qui te déphase, enfin moi, enfin toi et moi… Mais bon j’ai eut assez de all you can eat, je n’ai plus faim, j’ai attrapé assez de rhumes avec la clim je n’ai plus envie d’avoir froid quand il fait chaud…
Le monde se rejoue lui-même, parce que nous sommes trop fainéants pour y jouer un autre rôle que celui que nous y avons déjà joué, un genre de scénario en auto-replay à fond sur l’autoroute de la vacance.
Des ruines j’en ai visité, en Tunisie, en Syrie, en France, au Mexique, au Guatemala, des qui font rêver, qui font voyager, des splendides, magnifiques, dans lesquelles je m’imaginais des sociétés sages, avancées, en communion avec les astres et les vers de terre.
Maintenant je comprends mieux pourquoi c’est nous à la place d’eux, on est les mêmes en fait, il y a beau y avoir des milliers d’années entre Cuauhtémoc et Sarkozy, Khephren et Kim Jong ill., nous faisons tous partie du grand buffet de l’univers, c’est si beau de voir tout ça s’effondrer.
En fait on vie sur un monstre vivant, il commence à se réveiller, il va pas tarder à nous balayer d’un coup de queue géante, ça le gratte, il perd patience.